Le Conseil d’État a rendu, le 24 novembre 2025, une décision importante pour l’ensemble du secteur de la sécurité privée. Par une ordonnance de non-admission du pourvoi, la haute juridiction confirme que la condition de détention d’un titre de séjour « depuis au moins cinq ans » prévue par le 4° bis de l’article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure impose une durée continue de séjour régulier. Cette position, qui s’était dessinée dans plusieurs contentieux, devient désormais une solution stabilisée et définitive (Conseil d’État, 6ème Chambre, 24 novembre 2025, 504942).
L’affaire soumise au Conseil d’État trouve son origine dans la situation d’un agent privé de sécurité ivoirien qui sollicitait, le 2 février 2023, le renouvellement de sa carte professionnelle auprès du CNAPS. Celui-ci avait refusé le 6 février 2023, en relevant une interruption de la régularité du séjour entre le 22 juin et le 28 août 2020. Le tribunal administratif de Rennes avait confirmé ce refus le 6 février 2024, puis la cour administrative d’appel de Nantes, dans un arrêt du 4 avril 2025, avait de nouveau rejeté l’appel de l’intéressé.
Devant la cour, le requérant soutenait notamment avoir détenu des récépissés et titres de séjour depuis 2017, et affirmait que la loi n’exigeait qu’un séjour « régulier », et non « continu ». Il invoquait également une atteinte disproportionnée à son droit d’exercer la profession de son choix et, plus largement, une violation des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme. La cour de Nantes a rappelé que l’article L. 612-20 exige une détention continue du titre, en précisant qu’un récépissé produit les mêmes effets qu’un titre de séjour, mais que toute interruption non imputable à l’administration interrompt le délai de cinq ans. Elle a aussi souligné que l’intéressé avait effectivement été dépourvu de tout document de séjour entre le 22 juin et le 28 août 2020, période dont la légalité avait été définitivement reconnue par un jugement du 12 mai 2022. Elle a donc jugé que la condition des cinq années continues n’était pas remplie.
Cette solution s’inscrivait déjà dans la ligne d’une décision du Conseil d’État rendue en référé le 24 avril 2023. À cette occasion, le juge des référés avait censuré une ordonnance du tribunal administratif de Paris qui, au contraire, avait admis que les cinq années puissent être discontinues. Le Conseil d’État avait alors affirmé que le texte impose une période continue de séjour régulier et que des interruptions, même anciennes, font obstacle au renouvellement d’une carte professionnelle lorsque l’intéressé n’était pas titulaire d’un titre ou d’un récépissé. Cette position, initialement adoptée en urgence, annonçait déjà la solution de fond aujourd’hui consacrée (Voir mon article du 26 avril 2023 relative à cette décision).
Dans sa décision de non-admission du pourvoi, le Conseil d’État juge que l’argumentation du requérant n’est pas sérieuse : la cour n’a pas commis d’erreur de droit en exigeant une durée continue ; l’interprétation selon laquelle cinq années de séjour « régulier » suffiraient sans continuité n’est pas conforme au texte ; enfin, la proportionnalité invoquée au regard de la Convention européenne ne soulève aucune question justifiant l’examen du pourvoi. En refusant d’admettre le pourvoi en cassation, la Haute juridiction valide intégralement l’interprétation de la cour administrative d’appel.
Cette confirmation a des conséquences pratiques majeures pour les personnes souhaitant travailler dans la sécurité privée. D’abord, toute interruption de séjour régulier qui n’est pas causée par un retard administratif imputable à la préfecture « remet le compteur à zéro ». Ensuite, avoir déjà détenu une carte professionnelle par le passé n’accorde aucun avantage : la condition des cinq ans s’apprécie strictement au moment de la nouvelle demande, sans prise en compte du fait que le demandeur ait déjà exercé légalement. Les récépissés produits ponctuellement couvrent bien la période concernée, mais uniquement s’ils s’enchaînent sans discontinuité. Enfin, pour les employeurs et les centres de formation, cette jurisprudence impose une vigilance renforcée : un contrôle rigoureux de la continuité du séjour devient indispensable avant toute embauche ou inscription d’un candidat à une formation de sécurité privée.
Par cette décision, la jurisprudence relative au 4° bis de l’article L. 612-20 CSI se trouve désormais stabilisée. La durée de cinq ans exigée est une durée continue, et la moindre interruption non imputable à l’administration fait obstacle à l’accès ou au renouvellement d’une activité privée de sécurité. Cette clarification, désormais fermement établie par le Conseil d’État, s’impose à l’ensemble du secteur.

