L’actualité récente a mis en lumière une cyberattaque visant le ministère de l’Intérieur, avec une compromission de certains systèmes informatiques et des interrogations persistantes sur la nature exacte des données auxquelles les auteurs ont pu accéder. Si les autorités se veulent rassurantes, cet épisode soulève une question centrale : la sécurité et la fiabilité des fichiers administratifs sensibles, au premier rang desquels figure le TAJ (Traitement des antécédents judiciaires).
Ce sujet concerne directement les professionnels de la sécurité privée, dont l’accès à la profession dépend très largement des informations issues de ce fichier.
Le TAJ est un outil central pour l’administration. Il recense des données relatives à des personnes mises en cause, victimes ou témoins dans des procédures pénales, y compris en l’absence de toute condamnation. Ce fichier, placé sous l’autorité du ministère de l’Intérieur, est consultable par des agents spécialement habilités, notamment dans le cadre des enquêtes administratives menées par le CNAPS pour la délivrance ou le renouvellement des cartes professionnelles.
En pratique, lorsqu’un candidat à la sécurité privée dépose une demande de carte professionnelle, le CNAPS interroge le TAJ afin d’apprécier sa moralité et sa compatibilité avec les exigences de la profession. Une simple mention, parfois ancienne, classée sans suite ou n’ayant donné lieu à aucune condamnation, peut suffire à fonder un refus ou un retrait de titre.
L’actualité du piratage interroge donc à double titre. D’une part, elle rappelle que le TAJ est un fichier massif, sensible, et potentiellement exposé à des risques d’accès non autorisés. D’autre part, elle pose la question de la fiabilité des décisions administratives fondées sur des données dont la sécurité et l’actualité doivent être irréprochables.
Il faut rappeler que l’accès au TAJ est strictement encadré par la loi. Seuls des agents habilités peuvent le consulter, et uniquement pour des finalités déterminées. Le CNAPS ne dispose pas d’un accès libre ou autonome : les informations issues du TAJ sont recueillies dans le cadre d’enquêtes administratives, puis utilisées pour apprécier la situation d’un candidat. En théorie, ce cadre vise à garantir un équilibre entre sécurité publique et respect des droits individuels.
Cependant, dans la pratique, de nombreuses décisions défavorables reposent sur des mentions obsolètes, incomplètes ou juridiquement discutables. Or, lorsque l’administration fonde ses décisions sur un fichier dont l’intégrité pourrait être fragilisée — ou simplement mal mise à jour — les conséquences pour les professionnels sont considérables : perte d’emploi, impossibilité d’exercer, précarisation durable.
C’est précisément dans ce contexte que les demandes d’effacement ou de blocage du TAJ prennent toute leur importance. Le droit prévoit en effet que certaines mentions peuvent être effacées ou rendues inaccessibles aux enquêtes administratives, notamment lorsque les faits sont anciens, sans suite, ou disproportionnés au regard de la situation actuelle de la personne. Le blocage du TAJ permet alors d’empêcher que ces éléments soient utilisés contre un professionnel lors d’une procédure CNAPS.
L’actualité rappelle ainsi une réalité souvent ignorée : le TAJ n’est pas un fichier figé, ni infaillible. Il doit être contesté, contrôlé et, le cas échéant, corrigé. Lorsqu’une décision du CNAPS repose exclusivement ou principalement sur une mention TAJ, il est essentiel d’en vérifier la légalité, la pertinence et les conditions d’accès.
Au-delà de l’émotion suscitée par un piratage ministériel, cet épisode souligne un enjeu fondamental : dans un État de droit, la sécurité des fichiers ne doit jamais se faire au détriment des droits des personnes, surtout lorsque ces fichiers conditionnent l’accès à une profession réglementée.
Pour les agents de sécurité privée confrontés à un refus de carte professionnelle, un retrait ou un non-renouvellement fondé sur le TAJ, il existe des leviers juridiques concrets : recours contre la décision CNAPS, mais aussi actions ciblées visant l’effacement ou le blocage des données litigieuses. C’est souvent sur ce terrain que se joue réellement l’issue du dossier.

